Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de ce qui vous a conduit à entreprendre dans la coraliculture ?
Je m’appelle Brady Hannot, j’ai 28 ans, je suis marié et père de deux enfants. Mon parcours a été plutôt atypique : un chemin chaotique dans l’enseignement professionnel, option commerce, et en parallèle une formation artistique en tant que pianiste concertiste classique.
Je n’ai jamais vraiment rêvé de devenir entrepreneur, mais je n’ai pas attendu qu’une opportunité se présente : je l’ai créée autour de ma passion. C’est mon engagement pour les causes environnementales et mon intérêt pour le monde marin qui m’ont poussé à me lancer. Je voulais apporter une expertise nouvelle en Belgique dans un domaine encore très peu exploré : la coraliculture. Il s’agissait à la fois d’un défi personnel et d’un besoin d’innovation. Transformer cette passion en un projet viable, utile, et même porteur d’émerveillement, est devenu mon moteur. J’ai donc lancé Acro Reef.
En quoi consiste concrètement votre activité et qu’est-ce qui la distingue des autres approches ?
Je développe des coraux capables de s’adapter à des variations physico-chimiques très précises. L’idée est de les « entraîner » à survivre à des environnements instables, ce qui les rend plus robustes une fois chez les particuliers ou dans d’autres installations. Ce travail de fond, très technique, permet d’obtenir des animaux plus résistants, même pour des espèces réputées très fragiles comme les Acropora.
Contrairement aux autres coraliculteurs, je ne suis pas dans une logique concurrentielle. Les approches diffèrent, mais je partage volontiers mes méthodes et mes observations. Mon objectif est d’aller plus loin collectivement, pas de m’imposer seul. Je pense qu’ensemble, autour d’une même table, on progresse mieux.
L’évolution de mon activité se mesure aussi à la reconnaissance du milieu scientifique et de mes clients, ici et à l’étranger. J’ai obtenu les résultats que je visais : des coraux colorés, résistants, à la croissance régulière. Et certaines expériences comme la ponte rare d’un Acropora lokani dans mes installations ou le sauvetage d’un corail pour l’Aquarium public de Liège m’ont conforté dans mon approche.
A l’heure actuelle nous avons par ailleurs dépassé un seuil en biologie marine, en réussissant à rendre nos Acroporas résistants à plus de 50 fois la dose habituelle de nitrates et phosphates !

Quels sont vos objectifs pour les années à venir ?
Mon projet phare, c’est la création d’un centre pédagogique corallien en Wallonie. J’ai déjà dessiné les plans, estimé les coûts, défini les publics cibles (écoles, particuliers, curieux…). Il me manque aujourd’hui l’investisseur pour le concrétiser.
Je travaille essentiellement seul, mais mon épouse joue un rôle fondamental : elle m’aide à tester l’eau, à gérer la logistique, à trouver des idées. C’est un travail d’équipe dans l’ombre, mais essentiel.
Je ne prévois pas de diversifier mon offre. Le champ d’exploration dans la coraliculture est suffisamment vaste. Ce secteur commence à susciter l’intérêt du public, et j’aimerais continuer à innover, à transmettre, à sensibiliser. À terme, je souhaite jouer un rôle actif dans l’enseignement, la recherche et la préservation de l’environnement.
Actuellement une collaboration est d’ailleurs en cours avec l’aquarium de Liège, où je donne prochainement une conférence. Cette collaboration vise à sensibiliser et informer d’avantage et ainsi d’éveiller le grand-public à l’importance de ces animaux.
Avez-vous bénéficié d’aide ou d’un accompagnement dans votre parcours entrepreneurial ?
J’ai découvert le 1890 en cherchant une aide financière pour lancer mon activité. Malheureusement, les premiers codes NACE d’activité que j’ai utilisés – liés à l’aquaculture – ont bloqué mon accès aux aides. Ce fut une grande frustration. Le potentiel des dispositifs d’aide wallons est indéniable, mais les conditions d’accès sont parfois trop rigides. Cela mériterait d’être repensé pour ne pas freiner certains projets innovants.
Je n’ai pas sollicité d’autres structures, notamment de financement, car j’ai eu la chance de trouver un investisseur au même moment. Mais je reste convaincu que les dispositifs publics sont une force en Wallonie, à condition qu’ils puissent mieux s’adapter à la réalité de terrain des entrepreneurs atypiques.
Quel regard portez-vous aujourd’hui sur votre parcours ? Quels enseignements en tirez-vous ?
Le plus grand défi a été de sortir de ma zone de confort. Il faut parfois forcer les choses, renverser les barrières, même si cela signifie se salir un peu.
Avec le recul, j’aurais peut-être amélioré la gestion financière de mon activité. Mais je suis fier de ce que j’ai accompli : avoir tenu bon la première année, avoir respecté mes principes, avoir atteint dix fois plus d’objectifs que prévu. Je suis aussi fier d’avoir tout conçu moi-même : le site web, les installations, les visuels, etc.
Mon conseil pour celles et ceux qui veulent se lancer : arme-toi de détermination, sois curieux, écoute les autres… mais surtout, écoute-toi. Car c’est dans cette écoute intérieure que naissent les projets les plus sincères.