Interview Santero Therapeutics

Témoignage - Chercheurs et entrepreneurs : Découverte majeure dans la lutte contre la résistance aux antibiotiques

La start-up belge Santero Therapeutics vient d’annoncer une avancée majeure dans la lutte contre la résistance aux antibiotiques. Fondée par deux chercheurs de l’ULB, l’entreprise basée à Mont-St-Guibert a identifié un nouveau mode d’action capable de cibler des bactéries résistantes aux traitements actuels.

Les cofondateurs de Santero Therapeutics et chercheur à l’ULB, Abel Garcia-Pino et Cédric Govaerts nous éclairent sur la portée de leur découverte et ses implications.

Pourquoi la résistance aux antibiotiques est-elle une menace aussi importante ?

La résistance aux antimicrobiens (AMR) est aujourd’hui considérée comme l’une des plus grandes menaces pour la santé mondiale par l’ONU. En 2020, environ 5 millions de décès ont été associés à des infections résistantes aux antibiotiques. Ce chiffre pourrait doubler d’ici 2050, et certaines projections évoquent même plusieurs dizaines de millions de décès par an.

En Belgique, les infections résistantes aux antibiotiques ont touché environ 14 000 personnes en 2020 et causé plus de 600 décès. La résistance aux antimicrobiens complique la prise en charge des patients, rendant certaines infections banales potentiellement mortelles. Si nous ne développons pas de nouvelles solutions, des interventions chirurgicales courantes deviendront extrêmement risquées.

 

Quelle est votre découverte et en quoi est-elle innovante ?

Les antibiotiques actuellement sur le marché datent tous du siècle passé, il n’y a pas de réelle nouveauté depuis plus de 30 ans !  Ce manque d’innovation est, en partie, à l’origine du problème croissant des résistances. Nous visons un mode d’action nouveau en ciblant un point faible des bactéries jusqu’ici inexploité : leur capacité à résister au stress chimique (température, acidité, manque de nutriments). En perturbant ce mécanisme essentiel, nous avons découvert que nous pouvions non seulement bloquer la croissance des bactéries, mais en fait réellement les tuer !

Ces derniers mois, nous avons identifié plusieurs molécules prometteuses et, lors d’une série d’expériences récentes, nous avons réussi à démontrer leur efficacité in vivo. Concrètement, nous avons injecté deux de nos molécules à des souris atteintes de septicémie et observé une réduction de l’infection par un facteur de 100.

Ce qui est particulièrement encourageant, c’est que nos molécules ont également montré en laboratoire une efficacité contre des bactéries ultra-résistantes. Cela signifie que notre approche pourrait s’attaquer à des infections contre lesquelles les antibiotiques actuels sont impuissants.

 

Quelles sont les prochaines étapes de votre développement ?

Nous devons maintenant optimiser nos molécules avant d’envisager des tests sur l’être humain. Cette étape, appelée lead optimisation, est indispensable avant tout essai clinique.

Pour financer cette phase critique, nous lançons une levée de fonds de 10 millions d’euros. Depuis notre création en 2021, nous avons déjà levé 10,5 millions d’euros grâce à des investisseurs privés et publics, notamment Newton Biocapital, la SFPIM, WE et Sambrinvest.

 

Pourquoi si peu de nouveaux antibiotiques sont-ils développés ?

Depuis les années 1980, les grandes entreprises pharmaceutiques se sont désintéressées de la recherche sur les antibiotiques. Contrairement aux médicaments contre le cancer ou Alzheimer, les antibiotiques sont administrés sur de courtes périodes, ce qui limite leur rentabilité.

Actuellement, l’OMS ne recense que 12 nouveaux antibiotiques en développement pour les infections les plus dangereuses, contre 907 médicaments en cours d’étude contre le cancer du sein. Cela illustre bien le déséquilibre des investissements.

Nous devons changer la manière dont nous finançons la recherche et reconnaître la valeur sociétale des antibiotiques. Le secteur pharmaceutique commence heureusement à réaliser l’urgence de la situation, et des initiatives de financement dédiées aux antibiotiques émergent progressivement.

 

Votre ambition dépasse-t-elle le développement d’un simple médicament ?

Absolument. Nous ne voulons pas juste mettre au point un nouvel antibiotique, mais plutôt construire une plateforme technologique permettant de développer toute une nouvelle génération de traitements.

Nous travaillons actuellement sur des molécules ciblant les bactéries Gram-positives, comme le staphylocoque doré, mais nous élargissons nos recherches aux bactéries Gram-négatives, qui posent des défis encore plus grands, notamment dans les hôpitaux.

À terme, nous pourrions aussi nouer des partenariats internationaux pour développer des antibiotiques adaptés aux souches bactériennes les plus problématiques dans certaines régions du monde.

 

Quel message souhaitez-vous faire passer aux investisseurs et aux décideurs ?

Nous sommes à un tournant décisif. Si nous obtenons les financements nécessaires, nous pourrons accélérer la recherche et viser un développement rapide de nouvelles solutions. Sans investissement suffisant, la résistance aux antibiotiques continuera de progresser, avec des conséquences dramatiques pour la santé publique mondiale.

Il est temps d’agir. Si nous ne réagissons pas maintenant, nous risquons de revenir à une époque où des infections banales pouvaient être mortelles. L’innovation et le financement sont essentiels pour éviter ce scénario catastrophe.

 

Nous invitons toutes les personnes intéressées à suivre nos recherches sur notre site www.santero.be. Nous sommes également disponibles pour discuter avec des investisseurs, des institutions de santé et des partenaires potentiels.

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